Hier, j’ai fait une fausse couche. Après deux mois d’anxiété pour une histoire trop courte qui avait de toute façon mal commencée, tout est parti ce lundi, en une minute mes derniers espoirs ont fuit. Je suis triste, je suis déçue, je suis révoltée de voir qu’à un âge ou le monde qui m’entoure fait des bébés, je suis celle qui remplit la statistique de celles pour lesquelles ça n’a pas marché. Consolation de mes proches au téléphone : ça arrive à beaucoup de femmes, tu sais. Je ne sais pas ce que signifie beaucoup, ma sœur a eu 4 enfants sans avoir à subir ce genre d’épreuve, mes amies en sont à leur deuxième enfant et aucune ne m’a fait part des complications que je viens d’endurer. Le mot n’est pas trop fort au vu des contractions de ces deux derniers jours.
Mon facebook est plein d’annonces de bonnes nouvelles, d’annonces officielles et de familles qui s’agrandissent. J’y trouve des photos de familles heureuses et fatiguées dans une chambre d’hôpital, de photos suggérées pour étaler son bonheur au monde entier, une petite main, un petit bracelet, une inscription au bout du lit avec un nom, un prénom, voire une date de naissance. Vous savez, un peu comme pour dire que « surtout, je protège mon bébé, vous devez donc me croire sans voir, car de lui rien ne sera posté et puis après tout, on est plus vraiment amis pour de vrai, donc vous savez maintenant qu’il existe, mais vous ne le verrez jamais ».
Je trouve des photos de babyshower, de gros ventres, de cadeaux autour d’une tasse de thé. Mais c’est quoi en fait, une baby shower? Qu’est-ce qu’on a fait pour recevoir des cadeaux à part avoir eu de la chance et être en bonne santé? C’est vrai quoi, je me suis tordue de douleur toute la journée et à priori personne n’a songé à m’envoyer de quoi me consoler. Une de mes amies va devoir s’engager dans un processus de PMA, elle doit affronter toute la journée des questions indiscrètes sur sa future maternité. Ce n’est pas méchant, bien entendu, ça ne part pas d’une mauvaise intention, mais oui, ça peut quand même blesser. Alors zut, je me demande si on ne devrait pas aussi organiser des fêtes et offrir des cadeaux à celles qui doivent recommencer à zéro, attendre, patienter, positiver, surtout ne pas stresser « car plus tu espères avoir un enfant, plus tu vas te bloquer, moins cela va marcher ». Alors zut, fêtons la future PMA, le stress à venir, le record de la troisième fausse couche d’affilée, la grossesse arrêtée. C’est horrible à dire, je sais, ça arrive à tellement de femmes, je sais, mais c’est tellement mieux quand ça arrive aux autre et que l’on est pas concernée.
Donc sourire de circonstance, un peu crispé, la vie continue, j’ai toujours voulu faire du yoga, je vais apprendre le japonais, c’est formidable d’avoir du temps pour soi, en fait. En fait, oui mais ce n’était pas du tout mes projets. En fait, j’avais envie de choisir un prénom, j’avais envie de pouponner, j’avais envie que ça sente le bébé, j’avais envie d’aménager un coin dans la salle de bain, une chambre dans la chambre, j’avais envie de trouver mon appartement trop petit, j’avais envie de déménager, j’avais envie de me poser, j’avais envie de ne plus sortir, j’avais envie de ne plus dormir.
Bien sûr, rien n’est grave, j’ai encore quelques années devant mois, même si avoir 4 enfants s’avère désormais être un peu plus compliqué. Mais l’idée de vivre une période d’attente mêlée d’impatience, de plaisirs au lit toujours suivis d’une arrière pensée – ah tiens, ça pourrait marcher, là – et bien cette idée, tout simplement, juste maintenant, elle me fait chier. Elle me donne la nausée, moi qui pendant ces deux seuls et uniques mois de grossesse en avais été épargnée. Je ne veux plus compter les jours, je ne veux plus compter les semaines, pour calculer l’ovulation, pour calculer la date de la conception, la date des trois mois, véritable concrétisation médicale et sociale de notre future maternité. Il va me falloir trouver de la patience, une passion, une occupation, un engagement qui font passer le temps. Rien n’est encore décidé.De toute façon, c’est la vie qui décide. J’espère juste que cette décision que je ne peux pas prendre correspondra à un projet auquel je m’interdit de penser.